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Préface de Jean Vermeil

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Étreinte

 

Il a étudié les lettres et l'art militaire. Puis il a appris la guerre et la poésie. Soit l'épreuve dans le vrai, dans le danger. Jean-Marc Collet n'a peur de rien ou plutôt, parce que les caméras fouillant les visages ont brisé le marbre des héros, il sait jouer de sa peur et même la reconnaître, si humain sous l'homme.

Alors le poète guerroie. Combattre n'est pas tuer : c'est aimer un peuple, son paysage, ses visages et attentes. On tire, mais après, s'il faut. Écrire n'est pas que tuer non plus : avant de répandre une vilenie, avant de salir le prochain, écrire signifie aimer les mots, leur couleur, leur musique et remonter leur flot pour en tirer le filet acceptable. Si le texte mue en poésie — la brume indicible du discours, la part des anges de l'esprit —, alors l'art d'écrire se fait martial.

Jean-Marc Collet poétise parce qu'il aime. Amoureux de tout, même de ses détestations lorsqu'il enrage sur l'Afrique, la matrice de notre espèce gâchée par ses nègres-blancs et les gris françafricains. Or l'amour use depuis longtemps du vocabulaire militaire — la conquête, l'assaut, rendre les armes. Soit un jeu aimable ou une violence originelle que certaines, certains aiment encore. Collet inverse le plan de bataille : il met la poésie au fusil. Ni stances de mirliton ni vomissure infantile, non, il nous place au miroir de la fragilité du soldat d'aujourd'hui, invincible dans une terrible solitude, sinon l'artifice de la téléphonie. L'amour souffre de pareil artificiel avec ses simulacres sur écran qui purgent les isolés.

Alors en amourguerrepoésie, notre poète modèle ce qui nous manque le plus : la chair. Sa chaleur, sa beauté, son odeur, être de chair, bien en chair. Il façonne cette chair en lettres, syllabes, glaise, latérite et ses mots suent et son amour saigne et sa guerre rit. Le poète tout de poitrine musculaire — la chair cultivée —, retrouve en artisan furieux le tournemain qui donne vie à cette viande. Un geste simple mais perdu dans la rue et aux champs de bataille devenus théâtres d'opération, ce geste essentiel : l'étreinte. Cette poésie crie l'étreinte dans son jaillissement vital : le baiser, la bagarre, le couple brûlant, le corps-à-corps, tout ce qui a disparu dans nos écrans et dans le crachotis des transmissions de brousse.

Lisez, laissez-vous pétrir par cette déferlante, volez, valdinguez avec Jean-Marc Collet, tombez, debout, laissez-vous surprendre par les chocs haletants et les clés qui réchauffent... Car vous savez dès le premier mot que cet officier de la poésie trame la plus fine des stratégies : nous rendre vainqueurs.

Boucle

 

Le Niger jauni gonfle

Et se gorge d’orgueil

Insomnie de son onde

Se retourne dans son lit

Méandre son sommeil

Se divertit en son cours

Et se nourrit des rêves

Des habitants en éveil

Sentinelle Bandiagara

 

août 2015

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